Mois : mars 2025

Voyage en absurdie

Le train s’élance à vive allure sur les rails me ramenant à la capitale.

Deux heures coincées dans un siège inconfortable et une planche rabattable trop petite.

Il me faut occuper mon esprit pour tromper l’ennui.

Autour de moi, des passagers hypnotisés par la lumière bleutée de leurs écrans projette des ombres sur leurs traits fatigués.

Chacun voyage dans sa bulle, séparé des autres par une frontière invisible.

Je repense au livre de Marion Deuchars intitulé « Faites de chaque jour une œuvre d’art ».

L’autrice nous invite à consacrer 10 minutes chaque matin à dessiner nos émotions, à transformer un objet ordinaire en élément artistique et à pratiquer le dessin rapide pour libérer le geste.

Pourquoi ne pas adapter ces techniques à mon voyage ?

Après tout, ce compartiment regorge de détails, de textures, de formes et de vies que je pourrais croquer dans mon carnet.

Je commence par esquisser les contours d’un univers imaginaire.

Mon cerveau se concentre sur les traits de visage d’une femme en train de faire une partie de mots croisés.

Ces lignes s’entremêlent, créant une représentation cubiste de mon sujet.

Il y a quelque chose de Picasso dans ma projection qui s’éloigne volontairement d’une reproduction fidèle.

Je détourne le regard afin de changer d’approche.

Cette fois-ci, je repère les objets qui m’entoure : un ticket de train, un mouchoir jeté par-terre, un chewing-gum collé sous la semelle de la chaussure du voisin…

Je les dispose mentalement sur ma feuille à dessin.

À l’aide du dos de mon crayon virtuel, je gratte la surface du papier pour capturer les textures.

Les vibrations du train viennent ajouter des tremblements à mes lignes.

Les paysages défilent par la fenêtre, alternant entre villages endormis et vastes étendues agricoles.

Je me souviens que l’artiste Frida Kahlo intégrait des objets personnels dans tous ses tableaux.

Chaque élément devenait un symbole sous son pinceau.

Une fleur, un animal, un ruban n’étaient pas de simples décorations, mais autant de métaphores traduisant ses émotions, ses joies et ses souffrances.

Je tourne mon attention vers les silhouettes qui peuplent mon environnement immédiat.

L’homme au costume, la femme aux mots croisés, le dormeur aux écouteurs.

Soudain, un enfant court dans l’allée centrale, traînant derrière lui une peluche frottant le sol.

Mon esprit s’évade.

Je tisse une multitude d’histoires absurdes autour de mes compagnons de voyage.

La femme aux mots croisés n’est plus une simple passagère, mais une cryptographe à la retraite, qui continue de décoder les messages secrets dissimulés dans les journaux.

L’homme au costume se métamorphose en espion du KGB qui transmet des informations sensibles sous couvert d’e-mails anodins.

Le dormeur aux écouteurs se transforme en compositeur de musique qui capture dans ses rêves les mélodies qu’il créera demain.

Les villages et les plaines dessinent un territoire que j’invente au fil de notre avancée.

Dans ma tête, je rebaptise chaque région, ville ou cours d’eau.

Je me remémore une phrase de Marcel Proust qui disait que « le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ».

Une fois filtré par mon imagination, l’ordinaire devient extraordinaire.

La femme aux mots croisés sort de son sac un sandwich soigneusement emballé dans du papier aluminium, qui reflète la lumière en éclats argentés.

Ce n’est plus un simple en-cas, mais un précieux trésor.

L’homme en costume referme son ordinateur et contemple le paysage.

Son regard se vide de toute préoccupation.

L’espace d’un instant, son masque se fissure et révèle une mélancolie que ses e-mails ne pourront jamais exprimer.

Le dormeur s’éveille en sursaut, cherchant des repères au sein de cet espace familier devenu si étrange durant son sommeil.

Le train poursuit sa course en avalant les kilomètres.

Je me concentre sur les reflets dans la vitre qui superposent l’intérieur de la rame au paysage extérieur.

En observant ce qui défile au-dehors, mon visage se fond à travers les collines et le soleil qui se cache derrière les arbres plantés le long de la voie.

La femme aux mots croisés vient de terminer sa grille.

Elle m’observe discrètement par-dessus son magazine.

Je tourne légèrement la tête en sa direction.

Une invitation silencieuse à partager l’œuvre invisible que j’ai créée.

Nous échangeons un sourire complice.

Deux inconnus partageant furtivement la même intuition avant de retourner à leur solitude respective.

Pendant ce temps, l’homme en costume regarde sa montre pour la troisième fois en 10 minutes, comme si ce geste pouvait accélérer notre progression.

Les secondes s’étirent différemment pour chacun d’entre-nous.

Pour lui, elles constituent un délai à subir avant le retour à une vie normale.

Pour moi, ce trajet est devenu un espace de liberté, une parenthèse arrachée à la routine.

Une même perception, des réalités différentes.

Un contrôleur circule pour vérifier les billets.

Son uniforme bleu marine et sa démarche impeccable lui confèrent une figure d’autorité incontestable.

Il s’arrête à ma hauteur, jette un coup d’œil sur l’ordinateur duquel je rédige ma newsletter avant de poursuivre sa ronde.

Retour à la réalité.

L’art n’est pas cantonné aux musées et aux galeries.

Il peut éclore dans les espaces les plus communs.

En rentrant chez moi, je repenserai à tous les personnages de mon aventure improvisée.

Maintenant, il est temps de relever le siège, replier la tablette et rassembler mes affaires.

La voix de la SNCF annonce : « Paris-Est, terminus ».

Épilogue d’un récit fantastique passé à toute vitesse.

Ménage de printemps

On est la moyenne des 5 personnes qu’on côtoie le plus.

Tu as forcément entendu cette phrase prononcée lors de conférences TED.

Mais d’où vient-elle exactement ?

Après quelques recherches, j’ai remonté la piste jusqu’à son auteur, Jim Rohn, entrepreneur américain et mentor du célèbre Anthony Robbins.

Cependant, je reste perplexe.

Cette maxime peut-elle réduire notre identité à une équation sociale ?

Cette idée qui remonte aux années 70 a été popularisée par les gourous du développement personnel.

Pour cause, son raisonnement est simple : ton entourage immédiat façonne tes comportements, tes croyances et tes ambitions.

Une théorie séduisante qui s’est propagée comme une traînée de poudre dans notre société obsédée par l’optimisation de soi.

Mais il y a un problème avec cette phrase.

Nous ne sommes pas que la moyenne des personnes que nous côtoyons…

Nous sommes la moyenne des personnes que nous choisissons de laisser entrer dans nos vies.

Cette nuance change tout.

Elle replace le pouvoir là où il doit être.

Certaines personnes t’élèvent et te poussent à devenir meilleur.

D’autres absorbent ta vitalité, comme un smartphone dont la batterie se viderait mystérieusement en leur présence.

Dans une relation saine, chaque individu apporte quelque chose à l’autre.

Une perspective nouvelle, un soutien émotionnel ou un partage intellectuel.

Tu ressors de ces échanges grandi et inspiré.

À l’inverse, les relations toxiques agissent comme des vampires énergétiques.

Elles prennent sans jamais rien donner en retour.

Ces gens projettent leurs limitations sur toi.

Ils minimisent constamment tes succès et te rappellent les obstacles qui t’attendent : « Ça ne marchera jamais », « C’est trop risqué », « Personne n’a réussi à faire ça »…

Des phrases anodines mais qui, répétées jour après jour, s’immiscent dans ton esprit.

L’ironie, c’est que nous avons tendance à nous accrocher à ces relations par peur du vide.

Nous devenons complices de notre propre stagnation.

Les années passent, et nous restons suspendus entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être.

Tu n’es pas obligé de conserver quelqu’un dans ton cercle simplement parce que cette personne y est depuis des années.

Le temps passé ensemble n’est pas un contrat d’éternité.

Ce qui comptait il y a dix ans n’est plus valable aujourd’hui.

Nos valeurs évoluent et nos chemins bifurquent.

J’ai en mémoire la phrase de Stendhal qui disait : « Si vous n’avez pas le courage de rompre avec certaines personnes, vous n’aurez jamais celui de faire votre vie ».

Cette séparation n’est pas forcément définitive.

Parfois, il suffit juste de redéfinir les limites, d’ajuster la fréquence des rencontres afin de transformer la nature de la relation.

Dans d’autres cas, la coupure du lien s’impose.

C’est douloureux, mais infiniment moins que de vivre une existence entravée par des personnes qui t’empêchent d’avancer.

Le tri relationnel n’est pas un acte égoïste.

Il est vital.

Ressentir avant de comprendre

Je me suis retrouvé dans l’exposition contemporaine Arte Povera de la Bourse du Commerce de Paris.

J’observais les visiteurs.

La majorité d’entre eux consacrait davantage de temps à lire des cartels, qu’à contempler les créations.

Un rituel mécanique s’est installé.

D’abord l’explication écrite, puis un coup d’œil rapide sur la pièce pour vérifier qu’elle corresponde à sa description.

Depuis quand as-tu besoin qu’on t’explique ce que tu dois ressentir ?

Cette interrogation m’obsède depuis cette visite.

L’art contemporain souffre d’un mal profond : l’intellectualisation.

Chaque installation, tableau, performance doit s’accompagner d’un discours.

Sans ce texte explicatif, la création serait-elle moins légitime ?

Les conservateurs de musées sont devenus les grands prêtres d’une religion ésotérique.

Ils traduisent le langage des artistes pour le grand public.

L’expression artistique s’est transformée en langue étrangère nécessitant un dictionnaire.

Elle te signifie implicitement que tu n’es pas suffisamment intelligent pour comprendre.

Un tableau de Rothko devient prétexte à une dissertation philosophique.

Une sculpture de Giacometti se métamorphose en manifeste existentialiste.

L’oeuvre disparaît derrière le propos qui l’accompagne.

Elle se réduit à un support pour des théories alambiquées.

Nous en sommes arrivés à un stade où certaines réalisations n’existent que par leur justification.

Ces commentaires sont truffés d’un jargon indéchiffrable : « Approche rhizomatique », « déconstruction des paradigmes », « subversion des codes hétéronormatifs »…

Ces formules pompeuses forment une barrière invisible.

Elles excluent ceux qui ne maîtrisent pas un vocabulaire spécifique.

Une manière de signifier au visiteur qu’il n’est pas à sa place dans ce sanctuaire sacré.

L’effet s’avère dévastateur pour la démocratisation de la culture.

Les musées se transforment en lieux intimidants où l’on ne se sent pas bienvenu, si l’on n’a pas suivi d’études spécialisées.

Les initiés communiquent entre eux, dans un langage codé.

L’expression artistique devient un marqueur social.

Un moyen de distinction pour une élite qui se congratule de saisir ce que le commun des mortels ne comprend pas.

Certains me diront que l’art contemporain requiert des clés de compréhension.

Je ne partage pas cet avis.

Cette complexité apparente est un leurre.

Une façon de masquer le vide sous un pseudo-vernis intellectuel.

Quand une œuvre est véritablement puissante, elle te frappe au cœur ou à l’esprit.

Sans intermédiaire, ni mode d’emploi.

À l’instar d’un coup de poing dans l’estomac ou une caresse sur la joue…

Tu la ressens avant de la comprendre.

Reprenons l’exemple de Mark Rothko.

Ses immenses toiles monochromes génèrent un impact émotionnel immédiat.

Elles créent une atmosphère, une ambiance particulière.

Nul besoin d’expliquer la technique du color field painting ou les théories de l’expressionnisme abstrait pour être touché par ses travaux.

Il suffit de se tenir devant elles.

La complexité d’une création se mesurerait-elle à la longueur du commentaire qui l’accompagne ?

Une telle dichotomie accentue les clivages.

L’opposition entre ancien et moderne demeure tout aussi stérile.

Certains conservateurs évoquent l’art classique comme s’il était figé dans le marbre.

À croire qu’une signification reste immuable et définitive.

C’est oublier que les grands maîtres du passé étaient des innovateurs à leur époque.

Leurs réalisations continuent à vivre et à évoluer à travers notre regard contemporain.

À l’inverse, la création actuelle est parfois présentée comme une rupture radicale avec tout ce qui l’a précédé.

Il faut désormais choisir son camp.

Cette vision manichéenne ne rend service à personne.

Elle empêche de percevoir les continuités, les échos et les dialogues entre les époques.

La même logique s’applique au débat sur l’intelligence artificielle.

À peine née, on a déjà voulu l’opposer à la création dite « authentique ».

Comme si l’utilisation d’un nouvel outil impliquait forcément la mort de la créativité.

Cette peur reflète notre incapacité à concevoir la complexité.

L’art a toujours intégré les nouvelles technologies.

La photographie a transformé la peinture sans l’anéantir.

La musique électronique cohabite avec les orchestres symphoniques.

L’IA deviendra ce que les artistes en feront : un médium parmi d’autres, avec ses possibilités et ses limites.

Face à cette intellectualisation démesurée, j’en appelle à révolutionner ton regard.

N’hésite plus à ignorer les explications lors de tes prochaines visites au musée.

Fais-toi confiance.

Approche-toi d’une pièce qui t’attire, sans trop savoir pourquoi.

Observe-la en silence.

Ce que tu y découvriras sera différent de l’intention de l’artiste.

Et alors ?

L’art n’appartient pas à ceux qui le créent…

Il appartient à ceux qui l’observent.

Chaque spectateur réinvente l’œuvre à travers son propre prisme : son vécu, ses sentiments, ses références culturelles.

L’artiste n’est que l’initiateur d’un processus qui se poursuit au-delà de lui.

Il lance une bouteille à la mer sans savoir qui la trouvera, ni ce qu’on y lira.

La liberté d’interprétation est notre bien le plus précieux.

Les petites conversations qui changent tout

Cet après-midi, j’ai failli tout perdre.

Une sacoche, mes clés d’appartement, mes papiers, mon ordinateur.

J’avais accumulé trop de bagages pour ce week-end en famille.

Un taxi s’imposait pour rejoindre la gare.

Mon chauffeur est arrivé.

Un homme d’une cinquantaine d’années, qui m’a salué d’un signe de tête.

Il ouvrit son coffre sans dire un mot.

Dans cette situation, il y a deux options.

Rester silencieux, ou engager la conversation.

J’ai choisi la seconde.

Un simple : « Pas trop chargée ta journée ? » a suffi pour briser la glace.

Le chauffeur a souri, visiblement surpris que je m’intéresse à lui.

Ce n’était pas une question profonde, juste une invitation à l’échange.

Il a commencé à me parler des sujets ordinaires de la circulation, des vacances à l’approche…

Il s’appelait Mamet, et conduisait des passagers depuis 15 ans.

Les anecdotes défilaient comme les rues de Paris.

Puis, il me proposa une cigarette et augmenta le volume de sa radio pour me faire entendre de la musique turque.

Je me serais cru à une soirée entre potes.

Mamet en profita pour me parler de sa famille restée au pays.

Il me fit part de ses envies de quitter l’univers des taxis et de commencer une nouvelle aventure professionnelle.

Nous échangeâmes alors nos numéros.

Un geste spontané, né de cette connexion éphémère.

Sans le savoir, cela allait avoir une conséquence inattendue sur mon périple.

Arrivés à la gare, il m’a aidé à décharger mes bagages sur le trottoir.

Une poignée de main, un sourire, et j’ai couru vers mon quai.

C’est seulement une fois installé dans mon siège que j’ai réalisé.

Ma sacoche n’était plus là.

Toute ma vie contenue dans quelques centimètres carrés.

Une sueur froide m’envahit et je fouillai frénétiquement mes autres sacs.

Rien.

L’angoisse m’a submergé.

En une fraction de seconde, je devais décider.

Sortir et laisser filer le train sous mes yeux, ou voir ma vie parisienne entravée.

C’est alors que j’ai repensé à Mamet, et au numéro pris quelques instants plus tôt.

J’ai appelé, le cœur battant.

Une sonnerie, deux sonneries, l’attente était interminable.

Je voyais mon train s’éloigner à l’horizon.

J’étais là, planté sur le quai.

D’un coup, il répondit et, d’un ton amusé, me dit : « Hey, tu as laissé ton sac à l’arrière. J’allais t’appeler, mais je pensais qu’il était déjà trop tard. Tu es dans le train, là ? »

Nous nous sommes retrouvés sur le parvis de la gare.

Il me tendit ma sacoche, je lui tendis un billet.

Au moment de nous redire au revoir, il me donna son paquet de cigarettes en me disant : « Prends ça, tu en auras besoin pour passer le temps. »

Elle était intacte, avec tous mes documents à l’intérieur.

Cette situation peut sembler banale, mais elle cache une leçon de vie.

Si je n’avais pas engagé la conversation avec Mamet, si je m’étais contenté du silence confortable qu’offrent les trajets en taxi, jamais je n’aurais eu son numéro.

Le small talk a permis de créer un pont entre deux inconnus.

Dans notre monde hyperconnecté, nous avons tendance à nous réfugier derrière nos écrans.

Le nez sur notre smartphone, nous ignorons ceux qui nous entourent.

Ces interactions minimalistes, comme le fait de commander un café sans lever les yeux, de payer sans un mot, de traverser les jardins publics comme des fantômes, deviennent la norme.

On croit gagner du temps, mais on se prive des connexions humaines qui font le ciment de notre société.

Un chauffeur de VTC n’est pas qu’un moyen de locomotion.

Un serveur n’est pas une machine à apporter des plats.

Un inconnu dans la rue n’est pas un obstacle à contourner.

Le small talk a sauvé ma journée.

Ce n’est pas parler pour ne rien dire.

Il s’agit d’ouvrir un espace où l’autre peut exister pleinement, même le temps d’un trajet en taxi.

Combien d’opportunités manquons-nous chaque jour, enfermés dans nos bulles ?

Alors la prochaine fois que tu seras tenté de sortir ton téléphone dans une salle d’attente ou les transports en commun, essaie autre chose.

Un commentaire sur le livre que lit ton voisin, une remarque sur le temps qu’il fait, une question simple.

Le pire qui puisse arriver est un regard froid ou une réponse laconique.

Le meilleur est infini.

Une conversation qui s’anime, un rire partagé, un numéro échangé.

Peut-être même, un nouvel ami trouvé.

Imagine toujours le pire

L’anxiété est une voleuse de temps.

Elle s’infiltre dans nos esprits pour se projeter dans un futur imaginaire.

Je vais te parler d’une technique ancestrale qui m’a transformé : la préméditation des maux.

Ce n’est pas une méthode new age ou une tendance éphémère sur TikTok…

Mais un outil vieux de plus de 2000 ans utilisé par les philosophes romains.

Imagine la scène.

Tu dois parler en public, ton cœur s’emballe.

Au lieu de repousser ce stress, on te dirait d’imaginer le pire.

Et si tu oubliais ton texte ?

Et si ton PowerPoint plantait ?

Et si tu trébuchais en montant sur scène ?

L’approche semble contre-intuitive.

On nous dit de penser positif, de voir le succès, de fuir les pensées négatives.

Mais en confrontant tes peurs, tu leur enlèves leur pouvoir.

« La vraie liberté, c’est n’avoir peur de rien », écrivait Sénèque.

En embrassant le pire scénario, tu reprends le contrôle.

L’aspect que j’apprécie dans cette approche est qu’elle nous reconnecte à notre résilience.

Nous avons tous survécu à des échecs et des déceptions.

Nous sommes plus forts que nous ne le pensons.

Le stoïcisme, fort de sa sagesse millénaire, nous offre un antidote précieux.

En pratiquant cette visualisation, tu découvriras que l’anxiété est comme ces ombres menaçantes dans la pénombre.

Une fois exposées à la lumière de la raison, elles se révèlent bien moins effrayantes.

Cuisiner l’information

L’information est partout.

Elle nous submerge dès le réveil.

Tu ouvres ton téléphone…

Et une avalanche de nouvelles te tombe dessus sans crier gare.

Des milliers de faits, d’opinions, de chiffres et d’histoires se bousculent pour capter ton attention.

Face à ce torrent ininterrompu, tu cherches à faire le tri.

Dans cette époque où tout va trop vite, l’information devient une monnaie d’échange.

Celui qui la maîtrise détient un réel pouvoir.

Mais comment extraire l’essentiel sans tomber dans la paresse intellectuelle ?

C’est le paradoxe de notre temps.

Jamais nous n’avons eu accès à autant de connaissances, et jamais nous n’avons semblé si mal informés.

À force de scroller sur les réseaux, de zapper entre les chaînes d’info et de survoler les titres accrocheurs, nous finissons par devenir des consommateurs passifs.

La nuance disparaît au profit du spectaculaire.

Le contexte s’efface derrière l’instantané.

Une vidéo de 30 secondes suffit à former ton opinion sur un sujet complexe.

Tu crois t’informer, mais tu t’enfermes dans une bulle où le monde ressemble à ce que tu veux voir.

L’algorithme te connaît si bien, qu’il te sert ce qui te conforte dans tes idées.

Jour après jour, ton regard sur le monde se rétrécit sans même que tu t’en aperçoives.

La vérité est ennuyeuse, complexe et pleine de nuances.

Elle ne tient pas en 280 caractères.

Elle ne se résume pas à une infographie colorée.

Elle demande du temps, de la patience, de la réflexion.

Alors comment cuisiner l’information sans la dénaturer ?

Il faut revenir aux bases.

D’abord, choisir ses ingrédients avec soin.

Cela signifie diversifier ses sources et ne pas se contenter d’un seul média.

Il faut être curieux des points de vue qui nous dérangent et qui nous bousculent dans nos certitudes.

Les meilleurs plats naissent souvent de la rencontre improbable de saveurs contrastées.

Ensuite, prendre le temps de préparer.

Lire un article en entier, pas seulement son titre ou son chapeau.

Écouter une interview jusqu’au bout, même quand elle dure plus de 3 minutes.

Ajouter son propre regard, ses questionnements, sa réflexion.

L’objectif n’est pas de transformer la réalité, mais de la comprendre telle qu’elle est.

Enfin, discuter de ce qu’on a appris avec d’autres, confronter ses interprétations, enrichir sa compréhension au contact de perspectives différentes.

L’information n’est pas faite pour être digérée en solitaire.

La prison cachée derrière nos routines

Tous les matins, je me réveille en connaissant scrupuleusement le déroulé de ma journée.

À 6h30, je prends mon thé dans la même tasse.

À 9h15, je pars travailler en empruntant le même chemin.

En arrivant, je croise les mêmes visages.

Puis, je m’assieds au même bureau.

Cette routine quotidienne me donne l’impression d’avoir le contrôle.

J’ai longtemps considéré cela comme une liberté.

Cependant, la science révèle un paradoxe fascinant.

Notre cerveau est programmé pour nous piéger.

Les neuroscientifiques ont un terme pour ça : l’homéostasie psychologique.

Une tendance naturelle à rechercher un état d’équilibre, même si ce dernier nous enferme.

Je pense choisir, mais mon cerveau a déjà décidé à ma place.

On préfère l’économie d’énergie à l’exploration de nouveaux territoires.

C’est ce qu’on appelle plus communément notre zone de confort.

Les routines créent des autoroutes neuronales si bien tracées qu’il devient presque impossible de s’en écarter.

La somme de toutes ces habitudes s’ancre profondément dans nos lobes frontaux.

Plus nous les répétons, plus elles deviennent automatiques.

Je me retrouve à faire les mêmes choses jour après jour, comme un hamster dans sa roue.

Je l’ai vécu avec cette newsletter.

Pendant des mois, j’ai suivi le même format, les mêmes thèmes, la même structure.

C’était rassurant.

Les retours étaient bons, alors pourquoi changer ?

Un jour, j’ai compris que ce système m’ennuyait.

Ce qui me paraissait être une liberté d’expression n’était qu’une cage que je m’étais construite.

Le neurologue David Eagleman compare notre cerveau à un conseil d’administration, où différentes facettes de nous-mêmes se battent pour prendre le contrôle.

Et devine qui gagne ?

La partie qui promet le confort immédiat.

J’ai observé ce phénomène chez des amis artistes.

Ils commencent avec une passion dévorante, et dès qu’ils trouvent une formule qui fonctionne, ils s’y accrochent.

Leur style devient une signature, mais également leur prison.

Ce qui était autrefois un acte de libération devient la chaîne qu’ils n’osent plus briser.

La science explique ce paradoxe par notre aversion à la perte.

L’incertitude active les mêmes zones cérébrales que la douleur physique.

C’est pourquoi nous préférons souvent rester dans des situations médiocres mais connues, plutôt que de risquer l’inconnu.

La vraie liberté demande que nous acceptions l’inconfort comme le prix à payer pour grandir.

Je repense à cette métaphore du philosophe Nietzsche qui disait qu’avant de devenir papillon, la chenille devait accepter la chrysalide.

Cette phase est inconfortable, mais elle est la seule condition permettant d’accéder à la transformation.

L’IA est une pensée sans conscience

L’intelligence artificielle est partout.

Elle s’immisce dans nos vies à petits pas.

Difficile d’y échapper.

Tu ouvres ton téléphone, elle est là.

Tu cherches une information, elle te répond.

Tu demandes une image, elle la génère en trois secondes.

Une seule requête et le monde s’ouvre à toi.

Cette facilité déconcertante de l’accès aux connaissances modifie profondément notre rapport au savoir.

Avant, chercher une information demandait du temps.

Il fallait ouvrir des livres, consulter des encyclopédies ou se rendre à la bibliothèque.

Notre cerveau créait des connexions.

Il établissait des liens entre différentes idées.

Il construisait sa propre cartographie du savoir.

Aujourd’hui, c’est différent.

L’IA nous sert le résultat sur un plateau d’argent.

Plus besoin de chercher, de tâtonner, d’explorer.

Nous devenons des consommateurs passifs de l’information.

Le sens critique s’étiole doucement.

Pourquoi remettre en question ce que l’IA nous dit ?

Elle a analysé plus de données que nous ne pourrions en traiter en plusieurs vies.

Pourtant, elle n’est que le reflet de ce que nous lui avons appris.

Une intelligence sans conscience, un savoir sans sagesse.

L’IA ne doute jamais.

Elle ne connaît pas cette jubilation qui nous saisit, lorsqu’une idée nouvelle surgit après des heures de rumination.

En lui déléguant notre réflexion, nous risquons d’atrophier notre esprit.

Comme un muscle qu’on n’utilise plus, il perdra peu à peu sa force et sa souplesse.

Je ne suis pas technophobe, loin de là.

J’utilise moi-même ces outils au quotidien.

Mais je m’interroge sur la place que nous leur accordons.

Sur cette tendance à les consulter avant même d’avoir tenté de réfléchir par nous-mêmes.

L’IA ne pense pas à notre place.

Elle calcule, analyse, génère à partir de modèles statistiques.

Une machine ne comprend pas ce qu’est la joie, la douleur, l’amour ou la mort.

Si tu lui demandes de rédiger un poème sur le deuil, elle combinera des mots selon des schémas appris.

Mais elle n’aura jamais pleuré un être cher.

Chaque pensée est le fruit d’une histoire personnelle, de rencontres, d’échecs et de réussites.

Elle porte la marque de notre culture, de notre éducation, de notre époque.

Le paradoxe de plaire

Combien de fois as-tu ri à une blague que tu ne trouvais pas drôle ?

Repense à tous ces moments où tu hochais la tête en réunion, alors que tu n’étais pas d’accord avec ce qu’il s’est dit.

Cette version de toi créée pour plaire aux autres et éviter les conflits te protège, certes.

Mais elle t’enferme dans une prison invisible.

Tout ceci se construit dès l’enfance.

Quand on comprend qu’être « d’une certaine façon » nous vaut plus d’approbation.

Ce masque devient comme une seconde peau, si familière qu’on finit par croire que c’est notre vrai visage.

Oscar Wilde disait : « Sois toi-même, les autres sont déjà pris ».

Le paradoxe, c’est que plus tu essaies de plaire à tout le monde, moins tu attires les personnes qui pourraient résonner avec toi.

Tu deviens à l’image de ces playlists génériques qu’on met en fond sonore.

Agréables peut-être, mais rien de marquant dans les esprits.

Tel un algorithme de recommandation, on te propose toujours les mêmes contenus, les mêmes personnes, les mêmes opportunités.

Se débarrasser de ce faux self, ne signifie pas rejeter toute forme de convention sociale.

Il ne s’agit pas de devenir impulsif ou impoli sous prétexte de vérité.

Au contraire, il faut apprendre à choisir consciemment tes compromis, plutôt que de te compromettre par défaut.

En psychologie, on parle du « true self » et du « false self », concepts développés par Winnicott.

Le faux self est cette carapace que nous construisons pour nous adapter et survivre socialement.

Le vrai self est la partie qui contient notre vitalité, notre créativité, notre unicité.

Plus l’écart est grand entre les deux, plus nous risquons de nous sentir vides et déconnectés.

Le masque que tu portes te rend aveugle aux possibilités qui t’entourent.

Il filtre ta perception du monde selon des critères préétablis.

Les belles rencontres ont besoin d’imprévu pour exister.

Cela s’appelle, l’authenticité.

Un chapitre inachevé

Aujourd’hui, je ne cherche plus à comprendre pourquoi cette personne s’est évaporée de ma vie.

J’ai cessé d’attendre une explication qui ne viendra jamais.

Au lieu de cela, j’ai transformé son absence en présence créative.

Chaque matin, je me réveille avec une énergie nouvelle.

Mes perspectives sont différentes.

Le vide qu’elle a laissé s’est progressivement rempli de projets, d’idées, de rencontres authentiques.

Parfois, je me surprends encore à regarder mon téléphone, espérant y voir son nom s’afficher.

Ces moments de faiblesse se font de plus en plus rares.

Car j’ai compris que le silence qui m’a tant blessé était peut-être le bruit nécessaire pour entendre ma propre voix.

Le ghosting m’a appris que les fins abruptes font partie du récit de nos existences.

Elles sont ces chapitres inachevés qui nous poussent à écrire notre propre conclusion.

À devenir les auteurs de notre histoire, plutôt que les personnages secondaires dans celle des autres.

Dans un monde où les liens se tissent et se défont à la vitesse d’un clic, j’ai appris à valoriser ceux qui restent.

Ceux qui, malgré les tempêtes et les malentendus, choisissent la conversation plutôt que la disparition.

Le ghosting ne définit pas ma valeur.

Il ne dicte pas mon futur.

Il n’est qu’un passage, une transition vers une version plus forte de moi-même.

Et si un jour cette personne réapparaissait, je la remercierais.

Non pas pour son retour, mais pour son départ qui m’a forcé à trouver ma propre voie.

Au fond, nous sommes tous des œuvres inachevées, constamment façonnées par ceux qui entrent dans nos vies, mais aussi par ceux qui en sortent sans prévenir.

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Jason Vallée

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